Templier
VOYAGE EN PANDÉMIE
La pandémie m’a empêché de voyager, alors j’ai décidé de voyager en pandémie.
Ce voyage commence brutalement. Il commence dans les médias. On y voit des images de villes fantômes, d’individus masqués, d’hôpitaux surchargés dans d’autres pays, et on se dit que c’est loin de nous...Puis d’un seul coup tout s’accélère. Le micro ennemi qui veut nous décimer voyage vite, et s’installe en France. Échappé d’un laboratoire ou juste naturel, peu importe, il est là, rapide, minuscule, insaisissable et puissant.
Petit à petit il emporte bon nombre de nos semblables.
La guerre est alors déclarée, sans arme réellement efficace, sauf peut-être la pire de toutes, celle qui nous coupera longuement de nos habitudes, qui nous coupera de toute vie sociale, qui grignotera nos libertés : la distanciation. Et nous irons jusqu’au confinement, retranchés chez nous en attendant que passe la tempête.
Alors je suis sorti, armé de mon masque et de mon gel hydroalcoolique, armé de mon appareil photo, et je suis allé à la rencontre de celles et ceux qui, disciplinés, apeurés, étaient confinés chez eux dans le respect des consignes pour la plupart, alors que les grosses batailles s’opéraient dans les hôpitaux, assurées par des soignantes et des soignants épuisés.
J’ai voyagé dans un monde où finalement nous étions tous à égalité devant ce microscopique géant. Jeunes ou plus âgés, inconnus ou célèbres, riches ou démunis...
Je suis allé à la rencontre de celles et ceux qui ont du réorganiser leur vie du jour au lendemain, entre l’école à la maison, les commerces « non essentiels », les commerces « essentiels », le télétravail, la solitude, les lieux publics fermés, les masques obligatoires, les tests, les vaccins, l’anxiété, les décès des proches, les contaminations, le télétravail...
Je suis allé à la rencontre d’artistes, figés comme leurs théâtres, chez eux.
Des lieux de culture m’ont ouvert leurs portes, j’ai alors foncé, accompagné par de nombreuses et de nombreux artistes, et nous avons fait vibrer ces lieux au repos.
Je suis allé à la rencontre des restaurateurs, des coachs sportifs, des commerçants. J’ai vu leur détermination, j’ai vu leur discipline, leur ingéniosité, leur bienveillance. J’ai également vu le pire. Les délations, les reproches quant au port du masque 1mm trop bas, j’ai vu les gens reculer devant une petite toux, j’ai vu la suspicion...
J’ai vu la faiblesse, mais j’ai vu de l’Amour, de l’entraide.
J’ai vu de la tristesse, mais j’ai aussi vu de la joie.
J’ai rencontré des personnes admirables. J’ai vu de la résilience.
J’ai rencontré l’être humain dans sa faiblesse, sa colère, sa résignation. J’ai rencontré l’être humain dans le doute de sa continuité.
J’ai voyagé en pandémie, et j’ai rapporté quelques clichés...
DAVID TEMPLIER
« Nous sommes en guerre » Emmanuel Macron - 16 mars 2020.
À l’annonce du repli imposé et de l’enfermement, à l’heure de l’inquiétude sourde et des sirènes hurlantes, certains ont décidé d’organiser la résistance: Ils avaient peu d’armes et peu de moyens, sinon le sens de l’Autre, des rêves, et la conviction chevillée au cœur et au corps que c’est ensemble que nous parviendrions à ne pas sombrer et à transformer l’épreuve en festin d’humanité.
Chacun de son côté, ils ont creusé des souterrains, érigé des passerelles, tendu des perches, envoyé des bouteilles à la mer et aux réseaux en espérant que quelqu’un, comme eux, dans ce même besoin de partage, soit de l’autre côté pour y répondre.
C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés, David Templier et moi. À la faveur d’Instagram qui transforme nos vies en épisodes de fiction et de promotion, mais qui peut faire bien plus encore.
David avait lu mon dernier roman, mais ce c’est pas le sujet. Néanmoins, ses mots m’avaient touchée, et j’y avais surtout décelé une sensibilité qui répondait à la mienne.
Tout de suite, je l’ai invité à l’un de mes lives, « À nos étreintes », ma façon à moi d’apporter et de recevoir un peu d’humain tous les soirs à 19H. La promesse était de faire connaissance et de se découvrir en direct. Jamais donc nous ne nous étions parlé.
Je me souviendrai toujours de ce moment comme une fenêtre grande ouverte sur un ciel immense et un vent frais. Celui de ses aventures aux pays des glaces, de ses expéditions dans le Grand Nord et de son sens aigu de la nature. Mais surtout, à l’heure du confinement, l’homme et le photographe, encore une fois, ne faisaient plus qu’un: Bien que privé de voyages, David avait trouvé le moyen de partir et de rendre compte, de nous donner à voir ce qui, alors, nous échappait, de l’autre côté du palier, en bas de chez nous, dans le quartier voisin.
Sa démarche et ses photos m’ont bouleversée.
Je vous souhaite d’y lire tout ce qu’il m’en a dit. Car c’était beau. Car c’était vrai. Car c’est une trace lumineuse et émouvante d’une période sombre que nous avons vécue.
Encore une fois, tous ensemble. Merci David.
FLAVIE FLAMENT Écrivaine, animatrice TV et radio
Il est loin, le temps où Auguste Renoir déclarait: "Nadar, ce faux peintre, ce faux poète, ce photographe. ", ce qui était non seulement un mauvais jeu de mots, mais surtout un jugement injuste.
Aujourd'hui, et depuis longtemps, on rend hommage à ces artistes de la lumière que sont les photographes, et leurs clichés donnent des lieux les plus communs et des moments les plus ordinaires des images vivantes et émouvantes comme un poème.
Les photos de David Templier sont de celles-là.
Au delà de leurs qualités esthétiques, c'est leur extrême sensibilité, leur vision du monde qui me touchent particulièrement.
Moi dont le grand-père, le père, l'oncle et le frère ont fait de cet art leur métier et de ce métier leur art, je suis à la fois intimidé et fier d'écrire ces quelques lignes en introduction à ce recueil de « choses vues », pour reprendre l'expression de Victor Hugo, « qui constituent une oeuvre véritable, des instantanés éternels ».
CLAUDE LEMESLE Auteur, compositeur Président d’honneur du Syndicat National des Auteurs et Compositeurs (SNAC)